Les Introuvables
Chaque mois, Algérie Littérature / Action présente un document rare,
difficile d’accès, épuisé, bref “introuvable”.
Ci-après seront reproduits des extraits d’un ouvrage que Mohamed
Belhalfaoui, fervent promoteur et traducteur de la poésie populaire
d’expression arabe, fit paraître en “samizdat” peu avant sa mort en
1993 à l’âge de quatre-vingt-un ans. Intitulé La poésie arabe populaire
de l’Algérie, ce texte de 414 pages reprend des passages de la thèse qu’il
avait soutenue en Sorbonne en 1969 et donne des réflexions et des
poèmes inédits ainsi que des notations complémentaires à son ouvrage le
plus connu : La poésie arabe maghrébine d’expression populaire (Paris :
Maspéro, 1973), lui aussi épuisé.
Ses positions en matière culturelle, notamment sa défense acharnée de
l’arabe dialectal comme langue de culture, ont dérangé une certaine
vision officielle. Cet intellectuel oranais qui rêvait de voir enseignés à
l’école algérienne les grands poètes maghrébins du melhoun se heurta à
une incompréhension tenace et se retrouva poussé vers la marge et
l’exil.
J’ai une tendresse particulière pour le jeune militant nationaliste qui,
dans les années trente, offrit à son épouse, sage-femme issue d’une
grande famille oranaise, un vélo, faisant d’elle la première algérienne
ayant pu se promener “à bicyclette”, comme dit la chanson, aux côtés
d’un mari qui n’avait guère le souci du qu’en dira-t-on…
M.V.
Mohamed Belhalfaoui
La poésie arabe populaire de l’Algérie
(Extraits)
- De l’amour en poésie
“Les deux thèmes-rois de la
poésie arabe algérienne
d’expression dialectale sont l’amour
et la religion. Il est même possible
d’aller plus loin et d’affirmer que la
grande affaire, l’unique pourrait-on
dire, c’est l’Amour avec un grand
A. L’amour passion et charnel
terrestre; l’amour passion terrestre
mais chaste et sublimé; l’amour du
pays natal; l’amour de Dieu; celui
des Prophètes, et surtout celui du
Prophète par excellence,
N’oublions pas, en outre, que cet
amour religieux utilise souvent
l’arsenal du vocabulaire habituel de
l’amour charnel et humain. (… )
Le mysticisme populaire est très
simple mais il connaît, par contre,
une sorte de raffinement dans
l’expression, très original et parfois
étrange.
Ben Triki écrit à propos de La Mecque :
“Ses tresses noires comme le ténèbres /
Dépassent la ceinture et recouvrent ses jambes /
Heureux qui peut les voir /
Elle charme avec ses yeux rêveurs, immenses et beaux /
Les limons et les pommes embaument alentour /
Les parfums se répandent de toutes les fleurs /
Dons du Créateur, seins merveilleux /
Que je caresserai de mes mains.”