El Aïd El Kébir"
Poême chanté d'Ahmed Bentriki
Poême de circonstance en ce jour de la Fête de l'Aid
https://www.youtube.com/watch?feature=player_embedded&v=wBFyN-jjv9U
Poême chanté d'Ahmed Bentriki
Poême de circonstance en ce jour de la Fête de l'Aid
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La Musique Andalouse : un Pur Héritage de Cordoue ... C'est en 1236 que la ville de Tlemcen accueille 50.000 cordouans musulmans refoulés par le reconquista; Ainsi Tlemcen hérite une prestigieuse musique qui, quoique n'ayant jamais été transcrite a été conservée dans toute sa pureté et sa rigueur et transmise par une longue lignée de musiciens (Cheikh Menouar BENATTOU, les frères Mohamed et Ghouti DIB, Cheikh Mohamed BENCHAABANE, Cheikh Larbi BENSARI, Abdelkrim DALi, BENZERGA, Nouri KOUFI,…).
Ensuite cette musique trouva refuge dans d'autres villes comme Alger, Constantine, Blida, Bejaïa, Annaba et Nedroma. Inscrite profondément dans les cœurs et les âmes des fils de Tlemcen, elle imprègne toutes les couches sociales de la population et fait partie de la vie quotidienne. Se rapprochant de la musique médiévale, utilisant uniquement des instruments à cordes.
Centrée sur un élément de base, la nouba avec ses différentes phases: El Mechalia, la Touichia ou ouverture magistrale, le Mseder, puis de plus en plus sur un rythme de plus en plus alerte, le Betaihi, le Dardj, l'Inçeraf et enfin une alerte finale qui incite à la danse : l'Inkhilass. A côté de cette musique s'est développé le Haouzi, musique populaire citadine avec ses poètes et musiciens renommés: Ben Triqui, Ben Sahla,Ben Msaïb,…
Le hawzi est un genre populaire tlemcenien (Algérie), dérivant du gharnati. Mais avant qu'il soit un genre musical, le hawzi est d'abord un genre poétique dont les textes sont écrits dans un dialecte raffiné de Tlemcen. Pour ses compositions musicales, il utilise huit modes appartenant au gharnati, à savoir: moual, jarka, raml maya, zidane, âraq, ghrib, sika, mezmoum et pour ses mesures il utilise les rythmes comme m'sennaâ, berouali, goubbahi et zendali. Le hawzi est le genre populaire algérien le plus élaboré. Il est pratiqué aussi bien par l'école d'Alger (çanaâ ) que par l'école de Constantine (malouf) où on lui donne un cachet particulier.
Ce style musical dérive du répertoire musical arabo-andalous considéré comme intermédiaire entre la musique classique et la musique populaire et fondé sur l'articulation simultanée de ces deux musiques. Il emprunte les modes au gharnati (8 modes sur les 16 connus en algérie). Les spécialistes en attribuent avec certitude l'origine socio-historique de ce genre poético musical à la banlieue de Tlemcen qui s'est répandu ensuite au sein des populations citadines de Tlemcen. L'origine du mot hawzi ou translittéré parfois haouzi provient du verbe arabe "yahouz" qui se traduit par le verbe "isoler" et qui signifie ici "Tlemcen extra muros" parce que les exilés ne pouvaient pas s'installer directement dans les cités). Ce genre musical possède un développement très long faite de courtes pièces en arabe classique et le chaâbi. Certains le décrivent d'ailleurs comme le pendant tlemcenien du chaâbi. Ce genre poétique, connu chez les musiciens par «El Fouraq», fut transcrit à travers des vers poétiques comme «Tal Nahbi», «Memhoune» et «Sehm fi quawssi Sebani» de leur auteur Ahmed Ben Triki.
Du point de vue linguistique, il se distingue par l'emploi de la langue usuelle populaire (darija) de l'époque. C'est une longue poésie strophique constituées en refrains (Aqfal) et en couplets (Adouar). Ses principales variantes sont appelées M'senaa, Goubahi, Bérouali et Zendali (qui est un chant et un air de danse (destiné aux femmes) dans le genre mahjouz). Les concepteurs de ce genre sont tous d'origine tlemcenienne et ils se sont inspirés du patrimoine arabo-andalou pour y apporter les dernières perfections savantes. Parmi les plus célèbres de ces poètes et musiciens, citons Benmessaieb ou encore Mohammed Bensahla.
En l'absence de documents situant précisément son émergence, on peut affirmer que Said El Mendassi a été le premier poète populaire au cours du XVIème siècle à l'avoir consacré. Il a par ailleurs été le barde attitré du souverain Moulay Ismaël par le soutien qu’il apporte à travers sa poésie à l’œuvre politique et guerrière du monarque. Le fait que le Hawzi soit rédigé en langue dialectale soutenue ne l'a pas empêché de se soumettre aux règles de la Qasida ancienne et à ses aspects esthétiques et structurels. Nouri Koufi, Bachir Zerrouki et Hamdi Benani en sont de dignes représentants. Le festival national de la musique Hawzi est une manifestation culturelle qui se veut une occasion de protéger cet art musical. Il est organisé chaque année au Grand bassin de Tlemcen. L'édition 2010 a rendu hommage aux poètes Cheikh el Mendassi et Cheikh Bentriki...
c'était une déduction modeste à propos de deux arts si vastes , gardant éternellement leur prestige chez les tlemceniens !!! ».
Babel Med / Dossier Archéologie / Habib Tengour
Peut-on parler d’une littérature algérienne spécifique? Cette littérature n’est-elle pas qu’une des «expressions maghrébines»(1)? Le Maghreb est à la fois une réalité et un mythe; il n’en est que plus vrai! Un des paramètres importants de la spécificité est la langue. Il y a bien un/des parler(s) algérien(s) mais les textes littéraires sont écrits soit en arabe littéral soit en français, les «dialectes» servant seulement à véhiculer la tradition orale.(2)
De plus, l’expression littéraire de l’algérianité au sens moderne, celui qui se confond avec l’Etat-nation, est récente ; elle est en fait étroitement liée au mouvement national du début du siècle.
La Numidie a cependant fécondé des œuvres littéraires de grande envergure. Apulée de Madaure (125-180) ou Saint-Augustin de Thagaste (354-430) ont laissé des textes qui n’ont rien perdu de leur fraîcheur ou de leur pugnacité. Ecrits en latin, L’Ane d’or ou les Confessions alimentent le patrimoine occidental. Si les Algérianistes de l’Ecole d’Alger s’en délectaient, les Algériens, jusqu’à une période toute récente, ne s’en préoccupaient guère. La coupure avec l’empire romain a été une rupture radicale, reléguant l’Afrique dans un sud irrémédiablement étrange(r).
Arabité et islam n’ont pas cessé depuis la fin du VIIème siècle de façonner les populations berbères de l’Ifriqiya et du Maghreb. La langue arabe a remplacé le latin dans sa fonction scripturaire. Le Maghreb Central (Algérie) n’a jamais été considéré comme un haut lieu de l’écriture. On allait s’épanouir et se réaliser chez le voisin, au Caire, en Andalousie ou au Levant.
«La fuite des cerveaux» est une vieille histoire!
Il y eut, bien sûr, des ville comme Tahert, Tlemcen ou Bédjaia… de pâles foyers…
Du XIVème au XIXème siècle, avec les progrès de l’arabisation du Maghreb, une poésie populaire va se constituer peu à peu dans une sorte de Koinè arabe maghrébine, forgée par les poètes locaux (meddah).(3) Cette poésie est très appréciée, aujourd’hui encore, par la population algérienne. Nombreux sont ceux, toutes catégories sociales confondues, qui vous récitent les vers de Sidi Lakhdar Ben Khlûf, de Ben Msâyeb, de Ben Triki, De Benssuiket, de Mostfa Ben Brahim, de Mohammad Ben Sahla, etc.(4)
Article plublié dans Algérie Terre d'Afrique 13 Février 2012
4e festival national de hawzi, Tlemcen, du 13 au 19 juillet 2010
Sur les traces d’El-Mendassi et de Ben Triki
Lundi 12 Juillet 2010 -- La ville de Tlemcen se prépare à accueillir la quatrième édition du festival national de hawzi qui s’ouvrira demain au théâtre en plein air Le grand Bassin. Cette manifestation devenue un événement majeur de la scène musicale algérienne verra la participation de dix-huit associations de musique hawzie dont onze ont été sélectionnées pour disputer le concours organisé à cette occasion. Les associations Dar Gharnata d’El-Koléa, Ibn Badja de Mostaganem, Errachidia de Mascara, El-Adabia de Blida, El-Inchirah de Constantine, Ennahda d’Oran, El-Mouahidia de Nedroma et d’autres encore feront donc partie de la sélection officielle du festival. Elles devront réaliser un programme basé sur les œuvres de deux grands poètes de hawzi : Saïd El-Mendassi (1583-1677) et Ahmed Ben Triki (1650-1749). Le jury choisira les lauréats des trois prix en plus du prix d’encouragement. Il sera composé de quinze membres, dont des musicologues spécialisés dans la musique hawzie. Les troupes en compétition auront à animer des soirées musicales en compagnie des sept autres groupes qui participeront à ce quatrième festival, à l’image de l’Orchestre régional de Tlemcen et des troupes locales comme Ryad El-Andalous, Ahbab Cheikh Larbi Bensari et El-Kortobia.
Chaque mois, Algérie Littérature / Action présente un document rare,
difficile d’accès, épuisé, bref “introuvable”.
Ci-après seront reproduits des extraits d’un ouvrage que Mohamed
Belhalfaoui, fervent promoteur et traducteur de la poésie populaire
d’expression arabe, fit paraître en “samizdat” peu avant sa mort en
1993 à l’âge de quatre-vingt-un ans. Intitulé La poésie arabe populaire
de l’Algérie, ce texte de 414 pages reprend des passages de la thèse qu’il
avait soutenue en Sorbonne en 1969 et donne des réflexions et des
poèmes inédits ainsi que des notations complémentaires à son ouvrage le
plus connu : La poésie arabe maghrébine d’expression populaire (Paris :
Maspéro, 1973), lui aussi épuisé.
Ses positions en matière culturelle, notamment sa défense acharnée de
l’arabe dialectal comme langue de culture, ont dérangé une certaine
vision officielle. Cet intellectuel oranais qui rêvait de voir enseignés à
l’école algérienne les grands poètes maghrébins du melhoun se heurta à
une incompréhension tenace et se retrouva poussé vers la marge et
l’exil.
J’ai une tendresse particulière pour le jeune militant nationaliste qui,
dans les années trente, offrit à son épouse, sage-femme issue d’une
grande famille oranaise, un vélo, faisant d’elle la première algérienne
ayant pu se promener “à bicyclette”, comme dit la chanson, aux côtés
d’un mari qui n’avait guère le souci du qu’en dira-t-on…
M.V.
Mohamed Belhalfaoui
La poésie arabe populaire de l’Algérie
(Extraits)
“Les deux thèmes-rois de la
poésie arabe algérienne
d’expression dialectale sont l’amour
et la religion. Il est même possible
d’aller plus loin et d’affirmer que la
grande affaire, l’unique pourrait-on
dire, c’est l’Amour avec un grand
A. L’amour passion et charnel
terrestre; l’amour passion terrestre
mais chaste et sublimé; l’amour du
pays natal; l’amour de Dieu; celui
des Prophètes, et surtout celui du
Prophète par excellence,
N’oublions pas, en outre, que cet
amour religieux utilise souvent
l’arsenal du vocabulaire habituel de
l’amour charnel et humain. (… )
Le mysticisme populaire est très
simple mais il connaît, par contre,
une sorte de raffinement dans
l’expression, très original et parfois
étrange.
Ben Triki écrit à propos de La Mecque :
“Ses tresses noires comme le ténèbres /
Dépassent la ceinture et recouvrent ses jambes /
Heureux qui peut les voir /
Elle charme avec ses yeux rêveurs, immenses et beaux /
Les limons et les pommes embaument alentour /
Les parfums se répandent de toutes les fleurs /
Dons du Créateur, seins merveilleux /
Que je caresserai de mes mains.”
Tlemcen capitale islamique
le méchouar, la mémoire oubliée
Par El hassar Bénali
LE QUOTIDIEN D'ORAN du 30 décembre 2010
Le méchouar, ce lieu hautement symbolique de l’histoire du Maghreb central est un lieu d’une forte charge mémorielle qui, par ses hautes murailles se dresse toujours au coeur de la vieille cité impériale des Zianides, Tlemcen.
Ce monument tient en éveil le souvenir l’épopée de la cette dynastie berbère à laquelle pendant près de trois siècles fut attaché le destin du Maghreb central.
Il est parmi les endroits mythiques de l’histoire de cette dynastie à la tête d’un royaume dont l’âge d’or est synonyme de négoce ayant été la plaque tournante d’un trafic transafricain florissant et de culture et de science avec ses quatre grandes universités :
ouled al Imam, Yacoubiya, Tachfiniya et El eubbad qui ont produit de grands esprits.
De Tlemcen la mythique il ne reste plus que quelques monuments parmi ceux qui ont pu subsister à différentes occupations (Mérinides, Ottomans, Espagnols, Français), et cela pour rappeler la mémoire de la civilisation médiévale dans le Maghreb central avec ses raffinements et ses convulsions.
Au pied des monts d’Essakhratine dominant le promontoire de Lalla Setti du nom cette divinité païenne dont le mausolée continue d’être honorée par la mémoire populaire ,Tlemcen peut méditer en altitude le souvenir les grands moments à travers les traces qui ,en bravant les temps ,offrent une lecture des plis de son histoire millénariste.
Le Méchouar construit sur un oppidum à l’image des autres cités-états de l’Occident musulman comme l’Alhambra revendique en soi , une partie de l’histoire de l’Algérie.
Il est le lieu fondateur d’un pouvoir central qui , de 1236 à 1556 , fut établi par les Zianides sous la férule du chef , un homme haut en couleur , dénommé Yaghmoracen ben Zian.
Ce royaume s’étendait sur les limites de l’Etat algérien dans ses limites plus ou moins actuelles .C’est sur les débris de l’empire almohade évanescent que vont apparaître, rappelons-le, au même moment trois autres royaumes ceux de Grenade avec les Nasrides, de Fès avec les Mérinides enfin, de Tunis avec les Hafsides.
Avec un développement de plus de deux kilomètres de murailles le Méchouar édifié au 11ième s puis, plusieurs fois rebâti et fortifié était une ville à l’intérieur d’une autre avec ses palais, ses bains , ses mosquées ,ses prisons dorées enfin, ses sources qui alimentaient par un réseau serré de conduites en terre cuite les fontaines publiques , les bains et les mosquées.
Les poètes tlemceniens populaires Ahmed Bentriqui dit Benzengli (17ième s.) et Mohamed Ben debbah (19ième s.) évoqueront de leur temps la mémoire de ses sources abondantes qui ont fait la réputation de ville d’eau de Tlemcen -El bahdja. Yahia le frère de Abderrahmane ibn Khaldoun écrivait dans son «Boghiat er-rouad ‘’ que ‘’ les palais de Tlemcen faisaient pâlir de jalousie d’autres cours»ajoutant qu’ils étaient aussi beaux que ceux de Cordoue et de Perse ‘’.
Les beaux édifices du Méchouar une sorte d’agora dans l’organisation du pouvoir chez les Zianides étaient encore bien conservés jusqu’à l’arrivée des Espagnols qui les ont comparu, à ceux de l’Alhambra.
Ces lieux ont continué à si peu déserter l’imaginaire des poètes avec les illustres rois qui les ont occupés. Nous citerons entre autres Abou Hammoun Moussa II qui a su imposer l’image d’un bâtisseur mais aussi d’un protecteur des arts et des lettres , luimême un roi-poète.
Des poètes qui n’ont eu cesse de les décrire et de rappeler leur beauté citent les palais es-sourour , Abou-lfihr… Les dernières fouilles opérées par le ministre de la Culture ont mis au jour l’un d’entre eux ce qui a un peu enflammé la mémoire chez les historiens .
Ce palais en partie reconstitué frappe la vue des visiteurs avec ses bassins pavés el zellij , son pérystile avec des colonnes en marbre, ses grandes salles comprenant chacune deux nefs destinés à accueillir les ambassadeurs et les fidèles du palais royal…
La conception architecturale est une merveille d’art maghrébin avec le délice de stucs dont quelques éléments ornementaux , d’une élégance incomparable ont pu être miraculeusement sauvés.
Les artistes cordouans y ont mis la main étant nombreux à s’installer après la chute de leur capitale en 1232 , le roi Yaghmoracen ben Zian leur ouvrant grandement ses portes.
Pour l’embellissement de la grande mosquée fondée un siècle auparavant par l’almoravide Abou Tachfin Tlemcen fit appel aux artistes de Madina Zahra de Cordoue puisque de nombreux rabadis s’étaient fixés à Fès et à Tlemcen, dès le 9ième siècle.
Selon les archéologues et les historiens ce palais est sans doute par son emplacement et son architecture un des premiers palais réalisés à l’intérieur de cette cité royale .
Des décors d’arabesque sont à très près comparables à ceux de la mosquée zianide de Sidi Aboul-hassan et-Tanessi qui sont eux également d’une finesse inégalée dans le monde musulman et cela, de l’avis même des spécialistes de l’art musulman .
Dans ces décors en stucs la devise zianide ‘’ al moulkou ad- dhaim lillah al izzou al kaim lillah» (le règne éternel est celui de Dieu la gloire présente est celle de Dieu ) est mise en valeur au pourtour de panneaux magnifiques .
Il s’agit là de la devise d’avant le siège de Tlemcen par les mérinides au 14ième siècle car elle sera après de : ‘’ ma aqrab faradj Allah» ( Que le secours d’Allah est proche )
L’analyse de certains détails nous permet d’avancer que ce palais date de l’époque du roi Abou Said Othman fils de Yaghmoracen ce puissant roi berbère avec l’austérité rigoureuse d’un nomade qui va régner cinquante quatre années durant.
A l’article de la mort sur les bords de l’oued Chelif il laissera à son fils un testament dans lequel il lui recommandera à son fils , le prince héritier Abou Said Othman , de ne jamais se battre en raz campagne avec ses puissants voisins de l’Ouest et pour s’en défendre , il fallait à chaque fois à se protéger à l’intérieur de fortes murailles.
Tlemcen était au moyen âge une des villes les mieux défendues. Elle était selon les historiens ceinturée par cinq lignes concentriques de murailles et cela, pour circonscrire la ville qui ne cessait à chaque fois de s’agrandir .
Au milieu de ce décor militaire le Méchouar était aussi une citadelle imprenable.
L’historiographe des rois zianides Yahia ibn Khaldoun disait à propos de ses murs de défense :
‘’Tlemcen était entourée par les murailles comme un halo entoure la lune ‘’.
La population de la cité impériale dépassait les 120.000 âmes dont essentiellement de maghrébins mais aussi d’habitants originaires du pourtour de la Méditerranée : catalans, majorquins , maltais … dont également d’anciennes communautés juives et chrétiennes.
Les historiens comptaient dans cette ville l’existence de soixante cinq mosquées, cinq synagogues enfin, deux églises .
Des siècles de coexistence ont forgé un socle à ce royaume .
Les marches pieds de Tlemcen al mahroussa ( Tlemcen la protégée) étaient contrôlés à l’Ouest par de nombreux bastions fortifiés depuis Taza .
L’espace réservé à la recherche archéologique à l’intérieur du Méchouar est à peine effleuré par la découverte de ce palais des trésors d’archéologie restent encore enfouis et seront sans doute aussi un jour exhumés .Avec ses récentes découvertes c’est le mythe zianide qui renaît avec son romantisme .
Tlemcen la mythique se niche dans ces lieux qui nous émeuvent et qui fondent notre mémoire nationale.
Le méchouar fut pendant plus de trois siècles le centre mythique et vibrant de l’Algérie réunie
Il fut le lieu de l’allégeance (moubayaa) coutume qui convoquait chaque année les notables et les chefs de tribus pour évoquer l’unité nationale. C’était l’acte politique le plus important scellant les dirigeants au peuple.
Pourquoi ces lieux nous parlent ils encore ?
Le recul dans les siècles nous rappelle aussi les souvenirs de grandes blessures qu’a connues ce lieu mythique lorsque qu’à son entrée fut tué , en combattant, le roi zianide Abou Tachfine ,défendant son royaume.
Le Méchouar, c’est aussi le grand siège qui a duré près de huit années réduisant, au moyen âge, la population de l’ancienne capitale zianide aux plus dures épreuves de la vie avec des milliers de morts payant ainsi le prix de la liberté et de l indépendance du royaume, contre l’hégémonie mérinide.
Le sentiment national est en effet appuyé par des faits historiques lointains dont aussi ce siège resté longtemps en mémoire. En résistant à l’hégémonie c’est un peu l’esprit révolutionnaire qui naît dès cette époque .
Cet épisode avec ses moments tragiques , voir les Dames de la cour zianide qui adressent une supplique toute cornélienne à leur roi lui demandant de sauver leur honneur au lieu de tomber entre les mains de la soldatesque mérinide.
Ces durs moments rapportés avec force détails par l’historien Abderrahmane Ibn Khaldoun inspirèrent , rappelons – le , l’écrivain algérien Kateb Yacine , qui écrit sa pièce théâtrale ‘’ Saout en niça ‘’ ou la voix des femmes , initialement prévue comme texte –support à son projet de spectacle ‘’ son et lumière» à Mansourah .
»Saout en-niça ‘’ n’est en effet autre que la mère de Yaghmoracen que Kateb Yacine a tenté d’en faire un personnage central dans son imaginaire national, une icône de la résistance dans son combat pour les femmes .Ce personnage présenté comme une maîtresse –Dame avait , grâce à son courage et son habileté en tant que femme réussi à tisser des complicités dans la cour rivale jusqu’à parvenir à l’assassinat par un esclave du nom d’Abou Saada , du sultan Abou Yacoub dans son palais de Mahalla-Mansourah .
Cette capitale éphémère sera ,par vengeance ,détruite par les tlemceniens et ses restes dispersés ,certains seront , comme les colonnes en marbre , réemployés dans la construction , au 14ième s. ,du mausolée de Sidi Abou Madyan ou de la mosquée de Sidi Halloui .
Le site de la Mahalla –Mansourah ,site à une grande valeur archéologique mais qui a subi des menaces avec son palais pris d’assaut ces dernières années par des constructions incontrôlées à un moment où toute la région accuse un net recul culturel faute de mobilisation de la société culturelle et la disparition des associations qui ont fait pendant des années la Culture dans la cité des zianides.
La mort du sultan sonnera le glas au martyre des habitants de la capitale zianide provoqué par le long siège .Le projet d’unité du Maghreb cher à Abdelmoumen Ben Ali ben Aloua cet enfant de Tadjra, élève de la médersa d’El Eubbad ne sera plus désormais à l’ordre du jour jusqu’au 20ième siècle.
L’auteur de Nedjma est en effet le premier écrivain algérien a méditer ce long siège présenté par les historiens comme ‘’unique dans les annales de l’histoire de l’humanité» .Kateb Yacine ne reviendra pas , comme il l’avait ardemment souhaité ,pour réaliser son projet ,son texte sera publié en 2003 en France aux éditions les Femmes à Paris dans un livre qui a réuni ,à titre posthume ,d’autres de ses belles oeuvres : la Kahina ou Diya, Louise Michel et la nouvelle Calédonie .Ce livre est préfacé par son épouse Zoubida Chergui et l’ami de l’auteur,le journaliste Bénali El hassar.
Comment une cité peut-elle susciter tant de convoitises de ses voisins à l’Ouest ? Avec une magnifique position, le Maghreb central était au coeur de cette région un espace très convoité, parce que très propice au commerce, Tlemcen était pendant longtemps déjà la plaque tournante du trafic florissant de la route de l’or avec des voies protégées et équipées d’escales avec à leur tête des ‘’Amins ‘’ exploitées pendant des siècles par la grande famille tlemcenienne de commerçants et de savants, les Maqqari .
Ses liens avec l’Andalousie remontent à la conquète de celle-ci par les troupes de Moussa Ibn Noçair ,Tarik ibn Ziad et les tractations à Agadir entre Moussa Ibn Noçair et le comte Julien de Ceuta heurté par le roi Rodrique de Tolède et dont il a ,en conduisant les troupes berbères en Espagne, cherché à venger son honneur et celui de sa fille Florinda.
Les débuts de la reconquête chrétienne de l’Espagne sont également des moments mobilisateurs dans la mémoire historique des Zianides.
Le testament du roi zianide Abou Hammou à son fils Abou Tachfine est de ce point de vue révélateur des liens politiques très forts unissant les zianides aux nasrides de Grenade face à la reconquête chrétienne de l’Espagne.
Dans ce testament ‘’ Wassitatou soulouk fi siyasati al-moulouk ‘’ sujet de thèse de doctorat de Widad al-Cadi professeur à l’université américaine de Beyrouth en 1980 ,il recommandera à son fils de se maintenir toujours prêt à apporter aide et soutien à ses frères de Grenade.
En effet,ces deux vieilles cités partageaient ensemble une grande partie de la mémoire de la civilisation médiévale dans le Maghreb avec y compris l’Andalousie.
Elles partageaient ensemble de nombreuses traditions de langue , de musique , de mouloudiyate qui ont, au moyen âge,rendu célèbre les deux cours celles de l’Alhambra et du Méchouar.
Avec Lissan ibn Khatib, al-hafidh ibn Merzouk, Al kalaçadi, Ibn al-Abbés Ahmed ibn Charif, Ibn Khamis …ces hommes à la gloire de l’art et de la culture dans le Maghreb, Tlemcen revendique une grande partie de l’héritage de Grenade et vice versa .
Ce n’est pas par hasard si le grand chroniqueur Ahmed al- Maqqari (16ième s) a trouvé à Tlemcen sa ville natale les éléments d’une précieuse documentation qu’il a utilisée pour écrire son ‘’Nefh» ,une oeuvre magistrale en plusieurs tomes ,sur l’Espagne musulmane.
Ce n’est pas un hasard aussi si le manuscrit d’Ibn al-Ahmar de Grenade ‘’Rawadatou nasrin ‘’ – Le jardin des églantines -(14ième siècle ) fut découvert à Tlemcen ,un document qui livre de précieux renseignements sur la vie des rois des trois proches cousins berbères- zénètes les nasrides , des zianides et des mérinides fut publié pour la première fois en 1919 , par les professeurs G.Marçais et Ghaouti Bouali puis ,dans sa version complète par l’historiographeA. Benmansour ,à Rabat, en 1982.
Il est utile de souligner que le dernier roi de Grenade Boabdil a trouvé refuge à Tlemcen avec sa famille avant d’y mourir.
Dans ses exhalaisons ( nefh ) Al Maqqari écrit : ‘’ Le sultan Abbou Abdellah Mohamed Ben Saad connu sous le nom de ‘’Zagual» sultan de Grenade y est venu terminer sa vie à Tlemcen et ses descendants sont désignés du nom ‘’ Ben sultan al-Andalous ‘’ .
L’histoire de Tlemcen est jalonnée de récits sur les grands hommes de l’Andalousie qui y ont fait des séjours d’étude, des passages à Tlemcen , à la rencontre de ses maîtres d’écoles ou pour des séjours familiaux. Nous citerons par là ,le chroniqueur Ibn Yayyan , le poète Ibn Khaffadja ,le grand vizir Lissan eddine ibn Khatib…
Par ailleurs ,sont nombreux également les savants qui ont fait le choix définitif de fixer leur vie à Tlemcen tels le mathématicien Al- Kalaçadi , el soufi Al Halloui Choudy , le cadi al-Hassan Ben Ghalboun al- Murçi grand père d’al-Abili ,maitre à penser de Abderrahmane Ibn Khaldoun …
Grenade est réputée pour avoir accueilli de grands savants tlemceniens dont des cadis ,des poètes et des savants Chems eddine Ben Amed tilimsani , Abou Abdillah Ibn Khamis, al-Hafidh ibn Marzouk , le lettré Abou Rabii Ben Abdellah IbnYacine al-Koumi tilimsani …
Le Méchouar, c’est la mémoire des ottomans qui en ont fait le siège de leur pouvoir oligarchique avec Baba Safir , El euldj Ali ,Hassan Corso…
C’est aussi le combat de l’Emir Abdelkader pour sa libération aux termes du traité de la Tafna qu’il signa en 1837 avec le général Bugeaud.
Le Méchouar ayant été le centre névralgique du pouvoir zianide a longtemps hanté l’esprit de notre héros national l’émir Abdelkader et à faire nourrir sa nostalgie, en souvenir de sa grandeur dans le passé et cela, en dehors aussi de l’influence qu’avait sur lui, également, l’enseignement du savant mystique Abou Madyan Choaib dont il fréquentait en grâce sa sépulture pour ses méditations et sa retraite spirituelle (Itiqaf ) .
C’est à l’ombre des hautes murailles du Méchouar au café Bensmail qu’est née la vocation nationaliste du jeune Messali Hadj, mais par n’importe laquelle, celle de l’indépendance .
L’Algérie post -indépendance respectueuse de toutes les mémoires se devait de réhabiliter le site historique de cette citadelle où sont prévues les cérémonies officielles de lancement de l’année ‘’Tlemcen capitale islamique ‘’, en 2011.
Hormis le Méchouar et les monuments connus et préservés la ville de Tlemcen a conservé très peu de sa médina , de ses jardins , de ses caravansérails , de ses vieilles demeures , de ses marchés rendus célèbres par le commerce méditerranéen qui y était pratiqué, notamment son quartier franc de la Kaissaria.
Ses produits manufacturés surtout dans les domaines des tissages et du travail du cuir étaient présentés comme les plus fins du Maghreb .
C’est à Tlemcen que les rois de Marrakech venaient y passer commandes jusqu’au siècle dernier des harnachements pour leurs chevaux.
De ces marchés qui étaient des lieux d rencontres il ne restera pas grandchose après la vaste opération de destruction de la vieille tendant à en faire une ville moderne avec la mise en coupe de la médina pour des tracés de voies longitudinales et transversales.
Le massacre de l’éventration de la médina fut engagé en même temps que la destruction de la célèbre médersa Tachfiniya , destruction jugée ‘’ comme un acte grave de vandalisme ‘’par les professeurs W .Marçais et Berbruguer et cela ,dans la perspective de la politique coloniale du néant identitaire visant l’arrêt de reproduction des élites traditionnelles.
C’est la disparition à jamais des quartiers de mémoire historique (Bab Abilan ) , ses ziqâq , harat,riat … ses cimetières royaux profanés avec les pierres tombales des rois , princes et princesses , de savants récupérés et déposés à l’entrepôt ou musée .
La découverte archéologique à l’intérieur du Méchouar concerne les substructions anciennes restées enfouies sous le sol d’un palais après le rasement qui fut fait ensuite par l’occupant colonial de tous les édifices qui y existaient à l’intérieur de la citadelle.
Le Massacre fut grave d’autant que cette ville fut le dernier bastion de résistance de l’Emir Abdelkader face à l’occupant colonial .les matériaux de ses édifices devaient servir de remblais pour le tracé nouveau des routes à l’intérieur de la ville .
Quelques carrés d’anciennes maisons et d’autres édifices ont pu subsister à ce jour seulement et cela , après l’assaut des pics. Beaucoup reste à faire pour sauver sa mémoire historique de cette ancienne capitale maghrébine.
L’année 2011 , dans sa préparation a néanmoins mis à nu de nombreuses contradictions et interrogations sur la politique de préservation du patrimoine et sur l’organisation de telles manifestations d’envergures .
En matière de préservation du patrimoine monumental l’inadaptation de la loi 98-O4 ressort nettement quand il s’agit de la nature des vestiges arabes à protéger en tissus urbains et la norme des 200 mètres qui reste à définir clairement sur le terrain en matière de réserves, de cahiers de charges techniques dont les dossiers sont inexistants, d’où souvent des abus à défaut de règles opposables légalement et l’absence d’instruments efficaces de gestion.
Concernant l’organisation de 2011 celle-ci met à nu les aspects politiques importants dus à l’absence de la société civile , la marginalisation de l’élite et du mouvement associatif et l’effort qui n’est pas fait en matière de communication en direction de la population.
Tlemcen a été érigée au titre de Capitale de la Culture Islamique pour l'année 2011
La clôture de cette année dédiée à Tlemcen a eu lieu le 25 Avril dernier, avec une soirée où tous les talents de la chanson et de la musique étaient présents.
Cette année culturelle a permis de mettre Tlemecen en exergue. Elle a également permis à chacun d'entre nous de prendre conscience de la valeur intrinsèque de notre patrimoine culturel immense que nous nous devons de perpétuer, par la transmission écrite ou orale.
Ahmed Bentriki, illustre poête Tlemcennien a été également mis en valeur durant cette année, l'ensemble de son oeuvre a été merveilleusement interprétée par tous les artistes qui se sont succédés tels que Meryem Benallal qui a participé notamment à la soirée en hommage à Ahmed Bentriki, mais également à Lila Borsalli qui a clôturé cette année culturelle magnifique. Qui mieux que ces deux voix cristallines pourraient porter haut et fort la fierté du patrimoine culturel de Tlemcen et permettre de le faire connaitre partout où la musique et la poésie cotoient la noblesse de la culture et d'un peuple.
Quelques extraits de la soirée de clôture
Karim Boughazi et Meryem Benallal
Lila Borsali
Orchestre Maghrebin
Blida a accueilli, du 22 au 28 décembre 2011, le Festival national de la chanson aroubi, avons-nous appris auprès de Ayach Ahmed, directeur de la culture de la wilaya de Blida. Ce festival à caractère officiel, puisqu'il a été institutionnalisé par le ministère de la Culture, se déroulera au Parc des loisirs de la même ville.
Plusieurs personnalités du monde de la chanson y prendront part, à l'image de Sid Ahmed Serri, Mustapha Benguergoura, Noureddine Saoudi, Zerrouk Mekdad et Farid Khodja. Participeront également à ce festival plusieurs associations culturelles spécialisées dans l'interprétation de la musique arabo-andalouse. La gent féminine n'est pas en reste dans le programme de ce festival. Ainsi, nous avons appris que Zakia Kara Terki, Lamia Madini et Imen Sahir se produiront tour à tour pour interpréter les meilleures pièces connues dans le style aroubi qui reste très prisé à Alger et à Blida. Le aroubi tire sa sève de la musique arabo-andalouse. Apparenté au hawzi tlemcénien de par son paradigme textuel et musical, il a été créé aux XVIIe et XIXe siècles à Alger. C'était pour se démarquer de la çan'â mais puise toutefois dans les mouvements rythmiques et dans les modes musicaux de celle-ci avec plus ou moins quelques variantes. Le aroubi reste, à l'évidence, un produit extra-muros au sens littéral du terme mais aussi dans le sens imagé d'où son appellation car il sort de l'enclos de la çan'â comme sont appelés les gens habitant en dehors de la cité. Le aroubi utilise un support linguistique à l'esthétique avéré même s'il est écrit avec le dialecte purement idiomatique de la région d'Alger. Cette fonction linguistique intervient de façon perceptible pour véhiculer un message qui paraît a priori idyllique mais qui porte en réalité la symbolique mystique des soufis. Ses poètes sont issus des villes d'Alger, de Blida et de Miliana et sont parfois même des hommes de religion à l'image des muftis Mostefa Ben Kbabti, Mohamed Benchahed et Benyoucef El Djazaïri. L'on remarque également que certains textes poétiques chantés dans le registre hawzi sont usités par des chateurs du aroubi. L'on peut citer pour l'exemple, le poème Ya bnet el bahdja du poète tlemcenien Ahmed Bentriki qui est chanté à Alger et Blida dans le mode aroubi alors que c'est un pur produit tlemcénien, donc littéralement hawzi. C'est aussi le cas d'une qacida écrite par le poète andalou El Mou'tamad ibn choudjâ' ayant pour titre Dem'î djara (mes larmes ont coulé) et qui est chantée à Alger dans le registre aroubi. Sur le plan technique, le aroubi utilise les tempos usités généralement dans les mouvements musicaux du chant arabo-andalou comme celui de l'inqilab et de l'insiraf. Tout comme il utilise le berouali, un rythme connu notamment dans le melhoun. Il est à noter enfin que le genre musical aroubi a été introduit dans la ville de Blida vers 1893 par le truchement du grand maître Mahmoud Ould Sidi Saïd, de son vrai nom Gueddoura Mahmoud ben Sidi Saïd, lequel a transmis ses connaissances artistiques au chanteur Mahieddine Hadj El Mahfoud.